Classé par le célèbre magazine en ligne Boredpanda comme le 4e photographe de portrait de voyage du monde, Réhahn émeut par les sourires communicatifs qu’il capture aux quatre coins de l’Asie. C’est avec une grande bonté et toujours dans l’optique de faire partager des émotions que cet «obsédé de la liberté » a accepté de nous livrer ses secrets et son ressenti sur le Vietnam, où il vit.
Pourquoi avoir choisi le Vietnam ?
En 2007, ma femme et moi souhaitions parrainer un enfant. L’association Enfants du Vietnam nous a proposé de passer 4 jours à Hoi An avec une petite fille de 9 ans. Nous l’avons rencontrée en novembre. La petite fille et sa grande sœur, dont elle est inséparable, nous attendaient dans le hall de notre hôtel. Il y a rapidement eu une vraie connexion malgré la barrière de la langue. Leur papa étant décédé et leur maman enchaînant les petits boulots, nous nous sommes sentis utiles. En nous promenant dans la ville, nous avons rencontré mon actuelle meilleure amie qui était alors vendeuse chez un tailleur. Elle a accepté de faire la traduction et nous avons donc passé 3 jours dans son magasin pour apprendre à connaître les deux enfants.
Après les moments magiques passés durant ce séjour, il nous a été insupportable de devoir se dire au revoir. En partant, nous avons promis aux fillettes de revenir et nous avons respecté notre engagement. Les années suivantes, nous sommes revenus : 15 jours, 1 mois puis 2, jusqu’à ce que nous nous posions la question de savoir si nous tenions vraiment à notre vie française. La chaleur humaine du Vietnam nous manquait à chaque retour en France. En 2012, nous avons donc franchi le pas. Aujourd’hui, je sais que j’ai fait le bon choix de venir m’installer ici.
Comment avez-vous vécu votre installation au Vietnam ?
J’ai vécu mon arrivée dans le pays comme une renaissance, car je suis un obsédé de la liberté. Je vis aujourd’hui dans une maison que j’ai construite avec ma femme, mon fils, ma meilleure amie et mes deux filleules qu’elles considèrent comme leur grande sœur. Elles parlent toutes les deux anglais et la plus grande étudie à l’université de Danang. Quant au travail, j’ai aussi décidé de changer mes plans en arrivant au Vietnam. En France, je travaillais dans l’imprimerie. C’est un voyage dans le Nord du Vietnam, en 2013, qui a changé le cours des choses. J’en ai ramené plus de 2 000 clichés, et une journaliste m’a recommandé d’en faire un livre. C’est comme ça que mon travail de photographie a réellement commencé. Depuis janvier 2014, je suis passé plus d’une vingtaine de fois à la télévision vietnamienne, et j’ai senti l’engouement de ce peuple pour un livre sur le Vietnam, fait par un Français.
Quel lien vous unit à vos modèles ?
Je dis souvent que je me situe entre la photographie de rue et le shooting. J’essaye de mettre les personnes en confiance en discutant vietnamien avec eux. On parle, je les prends en photo, je leur montre en les complimentant. Là ils deviennent plus naturels, parfois gênés. J’adore saisir la gêne. Je trouve que c’est souvent le moment où ils sont le plus beaux.
Pour les remercier, je leur offre des cadeaux qui leur seront utiles dans la vie de tous les jours. J’ai acheté un bateau neuf à la vieille dame qui est sur la couverture de mon livre par exemple. J’ai offert un vélo à la grande sœur d’An Phuoc, une petite fille rencontrée dans un village au centre du pays. Avec ses yeux bleus magnifiques, hérités de son arrière-grand père français, elle a été une de mes plus belles rencontres de cette année. J’étais vraiment ému en la quittant : le moment passé avec la famille, loin de l’obsession du photographe de vouloir saisir chaque instant que l’on vit, m’a véritablement touché. La photographie c’est une rencontre entre le photographe et le modèle. L’un n’existe pas sans l’autre.
Comment vous sentez vous au Vietnam en tant que photographe ?
Je crois au karma, je pense qu’il faut agir sans rien attendre en retour. Quand j’ai photographié la petite fille en train de prier devant un éléphant, que j’ai par la suite vendu au Times, au Figaro, au National Geographic ainsi qu’au Daily Mail, les gens m’ont souvent demandé quelle était l’histoire derrière cette rencontre et je n’avais rien à dire. Me sentant coupable, j’ai retrouvé la fillette quelques années plus tard pour lui offrir mon livre et pour rencontrer sa famille qui m’a chaleureusement invité à boire le thé chez eux. Je suis très touché par les énergies positives qui m’entourent depuis que je suis arrivé au Vietnam.
Où vous voyez-vous dans 10 ans ?
J’ai déjà l’impression d’avoir accompli un rêve, celui d’être libre. J’aimerais toutefois continuer à voyager, notamment au Vietnam. Je me sens, aujourd’hui, citoyen du monde. Cette planète qu’on occupe s’offre à nous et regorge de découvertes à couper le souffle. Ce que je redoute, c’est de ne plus avoir le temps de répondre aux gens sur Facebook car j’adore être proche des personnes qui apprécient mon travail.
NB : Après le succès de son premier livre paru en janvier 2014 et intitulé Vietnam, Mosaic of Contrasts, Réhahn vient de publier le second volume de cette même série. Il est disponible à la vente sur le site du photographe : acheter Vietnam, Mosaic of Contrasts, Vol. II. Une belle idée cadeau !