Aux côtés d’Angkor Vat et du Bayon, le temple de Ta Prohm fait partie des incontournables d’une visite à Angkor. Célèbre pour les arbres qui l’étreignent, il émane de ses pierres une poésie, comme s’il était la preuve que les voyages dans le temps existent. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que certaines scènes du blockbuster Lara Croft : Tomb Raider y ont été tournées.
Visiter le temple de Ta Prohm, c’est se mettre le temps d’un instant dans la peau d’Henri Mouhot, l’explorateur et naturaliste français ayant redécouvert Angkor en 1860. Alors qu’il parcourt les régions voisines du fleuve du Mekong au Laos et au Cambodge, il tombe presque par hasard sur les ruines de la cité d’Angkor.
Ce qu’il voit alors ne ressemble en rien au site d’aujourd’hui. Le lieu est englouti par la jungle, la végétation pousse partout, et de nombreux bâtiments sont en ruines. Depuis, les édifices ont été reconstruits, restaurés et remodelés, afin de montrer au public la véritable grandeur de l’ancienne capitale khmère.
Le temple de Ta Prohm fait figure d’exception : la nature y cohabite avec les pierres, dégageant une poésie qui n’existe nulle part ailleurs à Angkor. Les arbres aux longues racines, les fromagers et figuiers des banians, semblent avoir pris possession du lieu, soutenant de leur poids les restes des bâtiments.
En réalité, derrière cette apparence négligée, la nature est minutieusement contrôlée. En effet, à cause du nombre de visiteurs à Angkor (environ 3 millions en 2014 contre seulement 200 000 en 2001), il faut s’assurer que les racines ne risquent pas d’endommager le temple, et qu’elles ne soient pas non plus dangereuses pour les visiteurs. Il était auparavant possible de grimper sur les ruines : c’est dorénavant interdit, pour des raisons de sécurité.
Le temple de Ta Prohm fait partie du trio des incontournables, avec Angkor Vat et Bayon. Comme tous les autres bâtiments du site, il s’agit d’un temple, les édifices religieux étant les seuls à avoir été construits en matériaux durables. Une inscription sur une stèle permet de dater le début de l’édification de Ta Prohm en 1186.
À cet époque, le roi Jayavarman VII (1181-1218 environ) est au pouvoir, et il établit le bouddhisme mahayana, c’est-à-dire du « Grand Véhicule » comme religion d’État. Ta Prohm est donc un temple bouddhique, dédié au culte de la mère de Jayavarman VII, mais aussi au roi lui-même. Son nom originel est Rajavihara, le « monastère des rois ».
Mère et fils royaux sont les dédicataires principaux mais en réalité, 260 autres personnages sont également honorés à Ta Prohm ! En outre, il est fait mention sur l’inscription de 80 000 personnes affectées au service du temple, ainsi que de 5 tonnes de vaisselle en or. En effet, contrairement à ce que l’on peut imaginer en voyant Ta Prohm, et plus généralement Angkor, les environs des bâtiments n’étaient pas vides comme ils le sont aujourd’hui mais emplis de maisons et autres édifices séculaires. Construits en matériaux périssables comme le bois, ils n’ont pas survécu au temps comme les pierres des temples.
Ta Prohm constitue l’un des deux temples centraux de la « grande ville », Angkor Thom, édifiée par Jayavarman VII par la suite. Le second, tout aussi célèbre, est le Bayon, dont les 177 visages souriants informent le monde de la suprématie du Bouddha.
L’architecture de Ta Prohm se caractérise par de nombreuses tours, des cours fermées et des couloirs étroits, qui ne sont plus accessibles à cause de l’effondrement des pierres mais dont on arrive à se donner une idée à certains endroits du temple. Il est construit sans mortier, c’est-à-dire sans matériau liant les pierres entre elles. C’est notamment pour cette raison que la nature y pousse sans vergogne, s’immisçant dans le moindre espace libre.
Le site d’Angkor est inscrit en 1992 au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO. Mais jusqu’au début des années 2000, le tourisme demeure limité, Angkor accueillant environ 200 000 visiteurs par an. À l’heure actuelle, ces derniers se comptent en millions.
Outre le développement économique de l’Asie, allant de pair avec le développement du tourisme, un autre facteur a provoqué l’engouement du public pour Angkor. Il s’agit du tournage du film Lara Croft : Tom Raider (2001), au sein même du site archéologique. Le long-métrage américain, inspiré du jeu vidéo du même nom, fait découvrir au grand public les trésors de l’ancienne cité khmère. Plusieurs scènes s’y déroulent. L’une d’entre elles se tient à Ta Prohm, où la célèbre actrice Angelina Jolie, incarnant l’aventurière Lara Croft, découvre les ruines du temple envahies par la végétation. Dans le sanctuaire central, elle cueille une fleur de jasmin, indiquée par une petite fille, avant que la terre ne s’ouvre sous ses pieds et l’engloutisse toute entière.
Pas étonnant que le réalisateur, Simon West, ait choisi Ta Prohm pour son tournage. Le lieu, emprunt de mystère, cadre idéalement avec l’histoire de Lara Croft, fille d’un archéologue à la recherche d’un triangle magique ouvrant les portes du temps et de l’espace… Mais contrairement à Lara, on ne visite pas Angkor en Land Rover, plutôt en tuk-tuk ou en vélo.
Depuis le tournage, les locaux ont rebaptisé le lieu « temple d’Angelina Jolie », et certains stands alentours proposent même un cocktail Tomb Raider ! L’actrice américaine est devenue une véritable icône du site, à tel point qu’elle est régulièrement enjointe à participer à des actions de sauvegarde d’Angkor.
Citons aussi le film de Jean-Jacques Annaud, Deux Frères, qui raconte l’histoire de deux petits tigres nés dans les ruines d’un ancien temple en Indochine. et dont certaines scènes ont été tournées à Ta Prohm.
Mais pour une fois au cinéma, la réalité égale, voire dépasse la fiction. Les ruines de Ta Prohm sont encore plus belles, plus poétiques et plus mystérieuses encore dans la réalité qu’à l’écran. Une raison de plus, s’il en fallait, pour aller y faire un tour sans plus attendre.