Comme tous les ans à la mi-avril, les communautés khmères du monde entier vont fêter le passage à la nouvelle année. Héritée du bouddhisme, cette célébration est l’une des plus importantes du calendrier cambodgien. Cette année, Chaul Chnam Thmey, comme on l’appelle en khmer, débutera le 13 avril.
À l’origine des célébrations du nouvel an khmer, il y aurait une légende liée aux croyances brahmaniques auxquelles le Cambodge était jadis attaché. Le dieu à quatre visages Preah Prom aurait un jour entendu parler d’un humain à l’intelligence extraordinaire, Thomabal Komar. Voulant le tester, il lui propose une devinette. S’il répond correctement, Preah Prom lui offre sa tête en guise de récompense. Thomabal Komar n’a d’autre choix que d’accepter la demande du dieu et écoute la question : « Quels sont les trois actes qui apportent chance et réussite chaque jour ? »
Le jeune homme, incapable de répondre, s’enfuit dans la forêt. Lorsqu’il s’arrête pour se reposer, il surprend la conversation de deux aigles géants. Ils discutent du fait qu’un humain va mourir aujourd’hui car il n’a pas su donner la réponse à la question de Preah Prom. Pourtant, la réponse est simple, disent-ils ! Il s’agit du lavage du visage le matin, du torse le midi et des pieds le soir. Après avoir entendu ça, Thomabal Komar rentre en ville donner la réponse au dieu. Comme promis, il lui offrit sa tête. Elle serait enterrée en haut du mont Meru, une montagne mythique considérée comme l’axe du monde dans le bouddhisme.
La légende veut que depuis ce moment, une des douze filles du dieu descend le temps d’une année pour s’occuper de la tête de son père. Chacune d’elle possède une monture, qui correspond aux animaux de la mythologie khmère et donc aux signes du zodiaque. En 2016, nous sommes entrés dans l’année du singe. Les célébrations du nouvel an débuteront le 14 avril.
Au départ, le nouvel an khmer avait lieu aux environs du mois de décembre, en pleine saison sèche. Mais de nombreux Cambodgiens étaient trop occupés par les travaux agricoles à cette période de l’année. Au 11e siècle, on décida donc de déplacer la date du nouvel an au cinquième mois du calendrier lunaire, c’est-à-dire mi-avril, après la fin des moissons et avant le début de la saison des pluies. De la même manière, les traditions brahmaniques ont disparu au fil du temps pour être remplacées par les coutumes bouddhistes.
Au Cambodge, le nouvel an se déroule sur trois jours, qui correspondent chacun à un acte décrit dans la légende. Il ne faut surtout pas déroger aux traditions, et suivre correctement les rituels établis depuis plusieurs siècles, afin de bénéficier de la protection des dieux. Les célébrations du nouvel an sont également propices aux rencontres entre les jeunes gens, puisqu’il s’agit d’un des rares moments de l’année où ils peuvent participer à des activités mixtes.
1er jour, Moha Songkran : Les maisons sont nettoyées et décorées pour accueillir la nouvelle divinité. On prépare des offrandes faites de fleurs, de fruits et d’objets sacrés sur des autels décorés de guirlandes lumineuses. On installe bougies et bâtons d’encens. On se rassemble dans les pagodes (vat) pour prier aux côtés des bonzes et au son des tambours antiques.
2e jour, Wanabat : On profite de cette journée pour offrir des cadeaux à ses parents et ses grands-parents, ainsi qu’aux foyers les plus pauvres. On érige des monticules de sable sur le sol des pagodes, qui symbolisent l’infini car il est impossible d’en compter le nombre de grains. On allume ensuite un bâton d’encens que l’on plante dans le monticule avec une pièce de monnaie.
3e jour, Tanai Lieang Saka : Il s’agit du moment des bénédictions. On baigne les statues de Bouddha pour se protéger durant l’année à venir. Les Cambodgiens demandent aux bonzes de les absoudre de leurs péchés et de les bénir, eux et leur famille. Partout dans les rues, on se jette de l’eau. Les plus jeunes se lancent de la farine. Généralement, on cuisine des plats que l’on amène aux bonzes dans la pagode. De nombreux Cambodgiens en profitent pour retourner dans leur région natale, et peuvent ainsi visiter leur famille et retrouver des amis d’enfance.
Ces trois jours de fête sont aussi l’occasion de jouer à des jeux traditionnels. Le boh angkunh se joue avec deux équipes, l’une féminine et l’autre masculine : il s’agit de lancer son angkunh (sorte de palet) de manière à toucher l’angkunh de l’équipe adverse. Le chhoung, quant à lui, mêle danse et poésie à un jeu qui consiste à toucher une personne de l’autre équipe avec une balle. Il faut également citer le leak kan saeng, qui ressemble au jeu du facteur, ainsi que le tir à la corde, très populaire pendant les célébrations du nouvel an.
Chaul Chhnam constitue l’un des moments les plus importants du calendrier khmer. Aux quatre coins du globe, les communautés cambodgiennes se réuniront à la mi-avril pour célébrer le passage à la nouvelle année. Au même moment, la Thaïlande fêtera Songkran et le Laos Pimay, qui correspondent tous deux au nouvel an bouddhique.
Crédits photographiques : Dragfyre