Prononcé « ao zaï », le ao dai est le costume traditionnel des femmes vietnamiennes. Connue dans le monde entier, aperçue dans plusieurs films tels qu’Un Américain bien tranquille (Phillip Noyce, 2002) ou Good Morning Vietnam (Barry Levinson, 1987), cette élégante tenue est devenue au fil du temps l’emblème du Vietnam, et le symbole de la grâce et de la beauté de ses femmes.
Áo se réfère à un vêtement porté en haut du corps, et dài signifie « long ». Le costume est composé d’une tunique longue, près du corps, et d’un pantalon large en soie. La tunique est fendue généralement un peu plus haut que le pantalon, laissant entrevoir un petit triangle de peau, qui est appelé le « triangle de l’émotion ». L’ensemble est très élégant et sensuel.
Autrefois, la couleur de la robe indiquait l’âge, ou la situation de la femme : les jeunes filles étaient (et sont encore) surtout en blanc, l’uniforme des étudiantes, symbole de pureté et de virginité. En grandissant, elles portaient des couleurs pastel. Les femmes mariées portaient surtout des couleurs vives comme du rouge ou du bordeaux. L’ao dai continue d’être porté par les mariées, mais le traditionnel rouge n’est plus la couleur proéminente : on peut aussi porter du blanc, du rose, etc.
L’ao dai a évolué dans le temps et subi des influences étrangères, surtout chinoises et françaises. Il n’a donc pas toujours été ce qu’il est aujourd’hui. Il est inspiré d’une autre tenue traditionnelle : le ao yem, un tissu en forme de losange et s’attachant derrière la nuque et dans le dos, avec une jupe longue, qui était très pratique pour travailler à la campagne.
Au 15e siècle, l’ao yem est modifié une première fois par les Chinois, qui le trouvent indécent et immoral. L’ao yem révèle en effet l’intégralité du dos de la femme, et souligne les formes de sa poitrine, ce qui ne convient pas au système de pensée de l’époque. De la même manière, le pantalon est imposé aux hommes sous l’influence du confucianisme, dans le but de les faire ressembler aux Chinois.
C’est au 17e siècle, dans le sud du Vietnam, que le nom ao dai est créé. Toutefois, la tenue d’alors est différente de celle qu’on connaît aujourd’hui. Les seigneurs Nguyen, qui gouvernent le sud du Vietnam (s’opposant aux seigneurs Trinh au nord), s’inspirent du costume cham, c’est-à-dire de la civilisation Champa, pour réinventer la tenue traditionnelle. De cette façon, ils affirment leur indépendance vis-à-vis du nord. L’ao dai du 17e siècle est donc ample et sans forme. Il se compose de cinq pans de tissus, qui rappellent les cinq éléments de l’astrologie orientale : eau, feu, bois, métal, terre. Au 18e siècle, il est surtout porté par les nobles.
Après la domination chinoise, l’ao dai subit une nouvelle influence, celle des Français venus coloniser le territoire. Dans les années 1930, un Vietnamien dont le nom se traduit par « Lemur » (Nguyen Cat Tuong), modifie la tunique pour la rendre plus moderne, plus proche de la mode parisienne. C’est à ce moment-là que les cinq pans de tissus disparaissent pour n’en laisser que deux. L’ao dai est resserré à la taille, magnifiant le corps de la femme, un geste osé pour l’époque. Un col type « Mao » est ajouté, et la tunique légèrement raccourcie pour parfaire le tout. Cet ao Lemur se porte avec un pantalon blanc, des talons et un sac à main, ce que certains conservateurs n’apprécient pas (les pantalons blancs demeurent jusqu’alors réservés aux hommes). Mais les femmes continuent de le porter, comme un symbole d’émancipation et de beauté.
L’ao dai est de nouveau revisité par Le Pho, un peintre, qui lui donne une forme plus proche du vêtement traditionnel tout en continuant d’embellir le corps de la femme. Madame Nhu, première dame du sud du Vietnam de 1955 à 1963, se présente publiquement en 1958 vêtue d’un ao dai nouvelle version, sans col. Rapidement, de nombreuses Vietnamiennes l’imitent et adoptent cette tenue.
Le premier musée consacré au ao dai a récemment ouvert ses portes à Hô Chi Minh-Ville, dans le district 9. Le fondateur du musée n’est autre que Si Hoang, un célèbre designer d’ao dai au Vietnam, dont les œuvres sont exposées, aux côtés de robes datant du 17e au 18e siècles. Soixante d’entre elles ont appartenu à la dynastie Nguyen, d’autres à de célèbres artistes et femmes de pouvoir.
Au Vietnam, mieux vaut faire faire un ao dai sur mesure plutôt que d’en acheter un. Les grandes villes regorgent de boutiques de tailleurs, la plus réputée dans ce domaine étant Hoi An. Deux options s’offrent à vous. La première, c’est de choisir votre tissu chez le tailleur, et de faire votre ao dai dans la foulée. La deuxième solution est d’acheter votre tissu vous-même dans un marché généraliste ou spécialisé, puis de l’emmener au tailleur pour qu’il crée votre ao dai avec. Le prix minimum pour ce genre de prestation est de 1 million VND (40€), et peut augmenter en fonction de la qualité du tissu et de la finesse des détails.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’ao dai n’est pas laissé de côté au Vietnam. Malgré son origine lointaine, il semble avoir de beaux jours devant lui. Ceci grâce, notamment, à la créativité et au travail de designers tels que Minh Hanh, une styliste vietnamienne née en 1961 qui s’intéresse à l’ao dai et à ses possibles versions contemporaines.
En plus de ce regain d’intérêt par les créateurs, l’ao dai continue d’être porté par les femmes vietnamiennes à différents moments de leur vie. Par exemple, au lycée et à l’université, les étudiantes doivent porter un ao dai. À l’université, chaque domaine d’étude correspond à une couleur d’ao dai. Au moment de leur mariage, il reste de tradition de porter un bel ao dai. Certains corps de métier nécessitent le port de l’ao dai comme les hôtesses de l’air de la compagnie Vietnam Airlines, ou les réceptionnistes des grands hôtels.
Revisité par de grands couturiers comme Ralph Lauren ou Giorgio Armani, le magnifique ao dai s’impose aujourd’hui à l’étranger comme la tenue phare du Vietnam et un symbole de patriotisme. Traditionnel ou contemporain, les Vietnamiennes restent profondément attachées à ce remarquable costume chargé d’histoire, qui « couvre tout mais en cache peu ».