Grâce à la diffusion du quoc ngu, l’écriture romanisée, dans toutes les classes sociales au 20e siècle, le Vietnam a vu son taux d’alphabétisation exploser. Conséquence : la littérature a aussi évolué, se répandant dans l’ensemble de la société. Les auteurs vietnamiens du 20e siècle se divisent en deux groupes : ceux qui ont vécu la guerre, et ceux qui sont nés plus tard. Entre les deux, la littérature vietnamienne fleurit pour le meilleur, dépassant même les frontières du pays.
La littérature vietnamienne a été bercée par les œuvres tournant autour de la guerre, si bien qu’on pourrait presque parler d’une « littérature de guerre ». Nombreux sont les auteurs racontant les souffrances, les traumatismes et les conséquences engendrés, au front comme à l’arrière, avec des personnages variés parfois courageux et parfois lâches. Parmi les auteurs qui retracent ces périodes sombres, on trouve :
Nguyen Huy Thiep : Né en 1950 durant la guerre d’Indochine, il est connu en occident pour ses nouvelles littéraires tel qu’un Un Général à la retraite. Il est aujourd’hui considéré comme le plus grand écrivain du Vietnam.
Bao Ninh : Né en 1952, il connait la guerre du Vietnam en s’engageant dans une brigade dont il sera l’un des 10 seuls survivants sur 500 soldats. Il écrit en 1991 Le Chagrin de la guerre racontant l’histoire d’un jeune homme qui se met à écrire ses souvenirs après 10 ans de guerre, se plongeant dans un passé d’atrocités et de violence.
Duong Thu Huong est une romancière issue d’une famille révolutionnaire née en 1947, qui fit partie d’une brigade communiste. Devenue scénariste pour le cinéma vietnamien en 1977, elle s’oppose violemment à la censure dont est sujette l’une de ses pièces de théâtre. Reconnue en Occident en tant que fervente défenseuse des droits humains et de la démocratie, elle vit en France depuis 2006 où elle a écrit son roman politique Au Zénith.
Environ 70% des Vietnamiens d’aujourd’hui ont grandi après la guerre. La majorité des auteurs de notre époque sont donc nés à l’âge de la mondialisation, et reflètent la société vietnamienne actuelle avec une nouvelle vision du monde et de leur pays.
Plus éloignés du thème de la guerre, ils voyagent, racontent leurs rêves, leurs ambitions et leurs peurs, arborant même de nouveaux sujets plus ambigus comme la sexualité.
Malgré une liberté d’expression encore restreinte, cette nouvelle génération est plus ouverte que la précédente, et utilise la littérature comme un moyen de lutter contre la censure. Ses œuvres littéraires parlent de la vie et la société en général, tout en mettant en avant la place de l’individu et du moi.
Thuân représente parfaitement cette nouvelle génération. Après des études à Moscou, elle s’installe à Paris où elle écrit et décroche le prix de l’Union des écrivains. Elle présente avec talent les différents aspects de la vie quotidienne des vietnamiens d’aujourd’hui, comme dans Chinatown, T. a disparu ou encore L’Ascenseur de Saigon.
Nguyen Viet Ha est un romancier connu pour son premier roman Une Opportunité pour Dieu, qui suit les amours et les préoccupations de quatre jeunes Vietnamiens à travers leurs journaux intimes. Il décrit dans plusieurs essais le quotidien du Hanoi d’aujourd’hui et les transformations de sa ville natale. Nguyen Viet Ha est considéré comme l’un des plus grands écrivains de la scène littéraire vietnamienne.
Do Khiem est un écrivain vivant en France. À la fois romancier, poète, scénariste, et essayiste, il jongle entre divers matériaux et différentes cultures. Il écrit son premier roman en 2013 en français, Khmer Boléro, qui raconte les retrouvailles de deux anciens amants à Bangkok, et leur voyage vers l’Est. Il y aborde de manière crue les thèmes du sexe, de la peur et l’amour, pour un mélange détonnant.
Le public occidental s’ouvre depuis plusieurs années à la littérature venue d’Asie. Les écrivains vietnamiens prennent une ampleur grandissante grâce, notamment à des libraires particulièrement investis de leur mission de découvreur de talents. C’est le cas par exemple de la maison d’édition indépendante Riveneuve qui a ouvert en 2013 une collection entièrement dédiée à la littérature vietnamienne contemporaine. Cette collection est dirigée par Doan Cam Thi, maître de conférences à l’INALCO.