Elle est une icône dans le monde entier, mais son histoire est profondément liée au Vietnam. Marguerite Duras, figure emblématique de la littérature et du cinéma français, a grandi dans l’Indochine coloniale. Tout comme elle s’est souvenue du pays dans son œuvre, le pays se souvient aussi d’elle aujourd’hui.
Marguerite Donnadieu de son vrai nom, est née le 4 avril 1914 à Gia Dinh, une agglomération située au nord du Saigon de l’époque. Elle fait partie d’une famille de fonctionnaires français. Son père, professeur de mathématiques, rentre en France en 1918 où il meurt de dysenterie. Sa mère, que Duras décrit à travers ses ouvrages comme une femme à la personnalité troublée, est institutrice à Sa Dec, dans le delta du Mékong.
En 1928, elle décide d’acheter une concession à Prey Nop (Cambodge actuel), mais celle-ci est régulièrement envahie par la mer, un mauvais investissement qui cause la ruine de la famille, et dont Duras se souviendra dans son roman Un barrage contre le Pacifique (1950). À l’âge de 12 ans, Marguerite est envoyée au pensionnat Lyautey de Saigon. C’est là qu’elle rencontre le célèbre Amant, qu’elle n’aura de cesse de raconter tout au long de son œuvre.
À 15 ans, Marguerite Duras fait en effet la rencontre du fils d’un riche propriétaire chinois, de douze ans son aîné, Huynh Thuy Le. Ils se trouvent tous deux sur le ferry qui relie alors Saigon au delta du Mékong. L’attirance mutuelle est si forte qu’ils entament une aventure, au mépris de toutes les conventions sociales. Marguerite fait l’école buissonnière pour retrouver son amant à Cholon, le quartier chinois de la ville.
L’histoire dure un temps mais le père du jeune homme décide de mettre un terme à leur relation. Non sans que la mère de Marguerite ait négocié le départ de sa fille. Duras rentrera en France en 1932 et ne reviendra jamais en Extrême-Orient. Elle restera toutefois profondément marquée par cette aventure. À tel point que sa biographe Laure Adler dira qu’elle n’aura fait que réécrire l’histoire de l’amant tout au long de son œuvre.
Un ouvrage se détache bien entendu du lot : L’Amant, publié en 1984 aux éditions de Minuit, et qui reçoit le prix Goncourt la même année. Duras y raconte son aventure et présente le livre comme un récit autobiographique. C’est un succès immédiat. Dans cet ouvrage sont présentes les sources de son écriture, ses images et ses thèmes récurrents.
En 1991, Jean-Jacques Annaud adapte le livre au cinéma. Le film prend une ampleur tout aussi importante que le livre, et se voit projeté à l’international. Au Vietnam, c’est davantage le film que le livre que les gens connaissent.
Bien que l’histoire entre Duras et l’amant se soit déroulée à Saigon, la ville de Sa Dec reste, dans l’inconscient collectif, éminemment liée au récit. S’y trouve la maison de l’amant, ainsi que sa tombe et celle de sa femme chinoise. Duras ne s’est jamais rendue dans la maison à Sa Dec bien que sa mère ait enseigné dans la même ville. Longtemps fermée au public, réquisitionnée par le régime communiste à partir de 1975, elle n’a pas pu être utilisée pour le tournage du film d’Annaud.
Aujourd’hui, les choses ont changé. Avec l’ouverture du Vietnam, la maison de l’amant est devenue un lieu culturel et touristique. En 2006, elle est désignée par le gouvernement comme vestige culturel. En 2010, elle prend enfin ses galons officiels et devient site historique national. Elle reçoit actuellement environ mille visiteurs par mois. Le bâtiment principal a été conservé. À l’intérieur, le carrelage, l’autel en bois des ancêtres chinois et la table basse incrustée de nacre demeurent aussi en l’état. Sur les murs, des photos montrent Duras, l’amant, sa femme et ses enfants, mais aussi le tournage du film, réalisé sans la présence de l’écrivaine.
Et bien que beaucoup de choses aient disparu depuis l’aventure de Duras et de l’amant, la maison s’érige comme un sanctuaire du souvenir de la présence de l’auteure au Vietnam, tout comme elle avait peuplé ses livres de références au pays après son retour en France. À Saigon, c’est le lycée français qui porte son nom depuis 2009.
Crédits photographiques : Paris, Nam Viet Voyage