Redoutée par les uns, attendue par les autres, la saison des pluies fait partie inhérente de la vie en Asie, et tout particulièrement au Vietnam. Mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, mousson ne rime pas avec pluie battante à longueur de journée. Disons plutôt que c’est une période où il vaut mieux être prévoyant…
Aux origines de la mousson, il y a une légende, celle de deux génies se disputant la main d’une princesse. Le 18e roi Huong Vuong n’a en effet qu’une fille unique, My Nuong, et souhaite lui trouver un mari. Parmi les prétendants, Son Tinh, génie de la montagne, et Thuy Tinh, génie des eaux, se présentent.
Tous deux sont amoureux de la princesse et se lancent dans des démonstrations de leurs pouvoirs afin d’impressionner le roi. Celui-ci, ne sachant pas qui choisir, décide de les départager grâce à une épreuve : le premier qui lui ramènera les denrées et animaux qu’il demande pourra prendre la main de My Nuong. Le lendemain matin, Son Tinh revient avec la liste complète des présents demandés, et épouse la princesse sur le champ.
Lorsque Thuy Tinh, le génie des eaux, découvre qu’il a perdu l’épreuve et donc la main de My Nuong, il entre dans une rage folle et déchaîne les éléments naturels. Ouragans et tempêtes déferlent, les fleuves coupent les routes et l’eau engloutit les habitations. Son Tinh riposte en surélevant les collines et en déplaçant les montagnes, parvenant à endiguer les crues.
Mais le combat dure plusieurs mois avant que le fleuve ne finisse par se retirer. Le calme revient, les Vietnamiens sont à nouveau tranquilles. Mais seulement pour plusieurs mois car depuis lors, chaque année à la même période, la rancœur du perdant ressurgit et il déchaîne à nouveau la pluie et les vents sur le pays. C’est ce qu’on appelle la mousson.
Lors de la préparation d’un voyage au Vietnam, une question revient souvent : quelle est la meilleure période pour venir ? Pour commencer, il faut savoir que la saison des pluies n’a pas lieu au même moment dans le Nord et dans le Sud du pays, la limite entre les deux se trouvant environ au niveau de la ville de Danang. Cela peut paraître surprenant pour un territoire qui ne fait que 1 600 km de long, mais cette différence s’explique par les disparités de relief et de latitudes.
Au Nord – La mousson a lieu de septembre à décembre. En revanche, des pluies diluviennes s’abattent également pendant l’été vietnamien au Nord, c’est-à-dire de mai à août, et ce malgré les températures très hautes. Ces évènements climatiques ressemblent aux orages d’été que connaissent les pays d’Europe.
Au centre – Dans le centre du Vietnam, la mousson a lieu de mai à octobre. Une particularité toutefois : cette partie du pays subit des typhons en septembre et en octobre. Les villes de Hue et Hoi An sont particulièrement connues pour être inondées lors de ces désagréables épisodes climatiques. Le passage du nouvel an (le Tet), aux environs de janvier-février, est également une période où les pluies sont nombreuses à cet endroit, le temps ne s’améliorant seulement qu’après le changement de lune.
Au Sud – La saison des pluies se tient approximativement de mai à octobre. Même s’il ne pleut pas à longueur de journée, les précipitations peuvent rendre les lieux impraticables. Sur l’île de Phu Quoc, certains hôtels ferment leurs portes, tandis que dans le delta du Mekong, des crues peuvent survenir brutalement.
Heureusement toutefois, bien que 90% des pluies tombent à cette période, ne vous attendez pas à porter votre imper toute la journée durant la saison humide. Contrairement à l’Europe, au Vietnam, une heure de pluie ne signifie pas une semaine de grisaille !
Certains endroits comme la baie d’Halong ou les montagnes de Sapa (au Nord) peuvent effectivement rester brumeux un certain temps, mais en général, le soleil pointe rapidement le bout de son nez après une averse. L’air est alors moins lourd et il est bien plus agréable de se promener dans les rues de la ville. De la même manière, les inondations survenues en quelques minutes seulement se dissipent tout aussi rapidement. Lors d’un voyage au Vietnam, dont les températures sont constamment tropicales, la fraîcheur de la mousson a de réels avantages, surtout si vous prévoyez de vous déplacer essentiellement à pied.
Vous l’aurez donc compris, visiter le pays pendant la saison des pluies est tout à fait possible. En revanche, il faut être prévoyant. Malgré la régularité des averses qui tombent souvent à 17h – pour la sortie des bureaux –, le ciel peut rapidement se couvrir sans prévenir et déverser une ondée, certes courte, mais intense.
Parapluie, imperméable et capes de pluie doivent toujours se trouver dans le sac, juste au cas où… Sans oublier les tongs en plastique, car les rues peuvent être copieusement inondées. Et si vous n’avez rien prévu, pas de panique : premièrement, la pluie n’est pas froide mais tiède, et dès la première goutte, des dizaines de vendeurs ambulants peuplent les trottoirs et vendent des capes de pluie multicolores pour une poignée de dongs à tous ceux qui se seraient fait surprendre.
Si vous avez opté pour un tour en deux-roues, ce genre de surprise pluvieuse est l’idéal pour tester votre dextérité : en deux temps trois mouvements, il vous faudra être descendu de la moto, avoir enfilé votre cape et l’avoir correctement placée sur le bolide – attention à l’effet gouttière-qui-se-déverse-sur-les-chaussures ! Un exercice que les Vietnamiens maîtrisent, eux, sur le bout des doigts. D’ailleurs, ils connaissent si bien les caprices de la météo qu’il leur suffit généralement d’observer la couleur du ciel pour savoir s’ils doivent s’équiper ou non.
Et si effectivement la pluie tombe, les rues se transforment en un gigantesque défilé de capes toutes plus fantaisistes les unes que les autres : avec un pan de plastique transparent à l’avant pour le phare, à deux têtes pour les amoureux, longue jusqu’aux pieds, trop courte pour les bras… Tout ça dans un ensemble de couleurs vives – rouge, bleu, vert, jaune ou rose. Rien à voir donc avec l’atmosphère maussade qui accompagne les averses des grandes capitales européennes.
Finalement, sous ses airs impressionnants, la mousson au Vietnam n’est pas aussi terrible que ce que l’on imagine. Au contraire, la saison des pluies a ses charmes, et offre un visage du pays différent de la saison sèche. Il est tout à fait possible de voyager au Vietnam durant cette période, il serait même dommage de passer à côté de cette saison qui n’existe pas en Occident. En pratique, il suffit simplement d’être patient en attendant la fin de l’averse et d’éviter de porter des chaussures en nubuck. Pour le reste, ce n’est qu’une question d’habitude…